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L’induction du poulinage

L’induction (ou déclenchement) du poulinage n’est pas un acte anodin chez la jument. Si, en théorie, elle permet une meilleure surveillance de la jument et de son poulain au moment de la naissance, en pratique, il faut bien connaître les limites de la méthode, toute erreur dans le protocole pouvant avoir des effets désastreux…

Dans quels cas peut-on déclencher le poulinage ?

Les indications du déclenchement du poulinage sont généralement d’ordre médical :

  • La jument se prépare depuis plusieurs heures, la vulve et les ligaments sacro-sciatiques sont bien relâchés, mais elle n’a aucune contraction (atonie utérine). Le principal risque est que la jument perde une grande quantité de colostrum, ce qui priverait le poulain des anticorps colostraux indispensables à une bonne défense immunitaire ;
  • La jument a eu un souci lors d’un précédent poulinage (rupture du tendon prépubien, hernie…) et les risques de récidive sont importants ;
  • Les précédents poulains sont nés « coiffés » : la poche amniotique ne s’est pas rompue spontanément et ils sont morts asphyxiés ;
  • La jument présente une affection qui rend nécessaire la présence d’une personne expérimentée au moment de la mise-bas : cal osseux dans le bassin lié à une ancienne fracture, obstruction du vagin ou du col de l’utérus par des tumeurs… ;
  • En cas de risque d’érythrolyse néonatale ou de colostrum de mauvaise qualité, le poulain ne doit surtout pas téter sa mère et donc être muselé dès sa naissance.

La décision de déclencher le poulinage peut aussi être prise pour des raisons économiques. C’est souvent le cas dans les grands élevages, pour limiter la présence de personnel la nuit, le week-end ou les jours fériés.

À quel moment peut-on déclencher le poulinage ?

Trois conditions doivent être réunies pour déclencher le poulinage dans des conditions optimales de sécurité :

  • La jument doit en être au moins au 330e jour de gestation, sinon le poulain est trop immature pour survivre ;
  • La jument doit avoir « fait sa mamelle ». L’idéal est qu’elle ait déjà commencé à produire du colostrum. Chez les primipares (juments poulinant pour la première fois), le développement de la mamelle est souvent tardif, ce qui rend cette condition difficilement appréciable ;
  • Le col de l’utérus doit être ouvert de deux doigts au moins.

> Il existe des tests sur bandelette (bandelette Merckoquant 10025) permettant de connaître la concentration en calcium des sécrétions mammaires (on sait qu’elle augmente dans les jours qui précèdent le poulinage). Si 4 carrés roses apparaissent sur la bandelette, le poulinage est imminent et peut donc théoriquement être déclenché.

Comment fait-on en pratique ?

Si les trois conditions sont réunies, on peut installer la jument dans le box de poulinage. On procède comme pour un poulinage « normal » : paillage abondant du box, bandage de la queue de la jument, nettoyage de la vulve et du périnée avec de l’eau et un savon doux.

La position et la présentation du poulain doivent impérativement être vérifiées par un examen transrectal de la jument.

Pour déclencher le poulinage, on utilise essentiellement l’ocytocine.

> L’ocytocine est une hormone naturellement sécrétée par l’hypophyse (dans le cerveau). Cette molécule a une double action : elle favorise les contractions musculaires de l’utérus et provoque la libération de prostaglandines F2a par l’utérus, ces dernières ayant également une activité ocytocique.

L’ocytocine peut être administrée par différentes voies (intramusculaire, intraveineuse rapide ou perfusion lente) selon les spécialités utilisées. C’est la méthode de choix pour l’induction du poulinage, rapide et efficace, à condition de respecter le dosage et de ne pas utiliser des doses trop élevées : mieux vaut répéter de petites doses plutôt que d’administrer une dose importante.

Comment se déroule un poulinage « déclenché » ?

Un poulinage déclenché se déroule exactement comme un poulinage normal, mais est plus rapide.

  • La 1ère phase du poulinage (engagement du fœtus dans la filière pelvienne) commence 15 mn après l’injection d’ocytocine. Elle dure 20 à 30 mn (contre 10 mn - 1 heure pour un poulinage non induit).

> Il faut s’assurer de nouveau à ce moment-là de la présentation et de la position du fœtus, par voie vaginale, en passant la main à travers le col de l’utérus, qui doit être largement ouvert à ce stade du travail. Une fois la main dans le corps de l’utérus, on recherche le bout du nez ou l’extrémité des membres. Cette manipulation se fait à travers le placenta, en évitant de le rompre. Si la position et la présentation du fœtus ne sont pas compatibles avec un poulinage physiologique, c’est le moment de faire les manipulations nécessaires. Bien sûr, cet examen vaginal et les manipulations éventuelles ne doivent être réalisés que par une personne expérimentée !

  • La 2e phase (expulsion du fœtus) débute donc environ ½ h après l’injection d’ocytocine et dure une vingtaine de minutes.

> Il faut laisser les choses se faire naturellement et ne pas « tirer » sur les membres antérieurs du poulain pour le faire sortir plus vite. Une progression lente évite une déchirure du col ou du vagin de la jument et une compression de la cage thoracique du poulain (risque de fracture de la 5e côte, ce qui compromettrait sa survie).

  • La 3e phase (délivrance) est rapide, moins de 15 mn, au lieu d’environ 1 h dans un poulinage non induit.

Les soins après le poulinage sont les mêmes que pour une naissance classique : vérification de l’intégrité du placenta, désinfection du nombril, réalisation d’un lavement éventuel pour favoriser l’expulsion du méconium par le poulain, administration du colostrum si le poulain ne tète pas spontanément…

Quels sont les risques encourus lors d’un poulinage induit ?

Les principaux risques encourus sont :

  • La séparation prématurée du placenta si les contractions utérines sont trop fortes. Le côté utérin du placenta, rouge et velouté, apparaît alors à la vulve de la jument. Il faut rompre rapidement cette membrane, ainsi que la membrane amniotique et délivrer le poulain. Cela ne doit pas arriver si l’ocytocine est correctement dosée ;
  • Une dystocie (poulinage difficile). Le risque est un peu plus élevé lors d’un poulinage déclenché, c’est pourquoi il est indispensable de vérifier la position du poulain au début du travail et de surveiller ensuite sa progression ;
  • La naissance d’un poulain immature donc non viable ou très faible. Cela ne doit pas se produire si la date limite des 330 jours de gestation est respectée et si le test de calcémie a validé l’induction ;
  • Un déficit de la prise de colostrum. Normalement, l’induction ne change rien à la qualité du colostrum, qui peut être vérifiée avant le déclenchement à l’aide d’un réfractomètre. Le principal risque est une production ou une absorption insuffisante ; il faut donc s’assurer que le poulain tète bien dans les deux heures qui suivent sa naissance. L’évaluation du taux d’anticorps chez le poulain à 9 ou 12 heures de vie permet d’envisager une supplémentation par voie orale si nécessaire.
  • La rétention du placenta. Elle n’a aucune raison de se produire si le poulinage est déclenché à terme.

Les risques encourus lors d’un poulinage déclenché sont plus élevés que lors d’un poulinage non induit. Cette procédure devrait être réservée à des cas médicaux, lorsque la vie de la jument ou de son poulain sont en jeu, et uniquement lorsque l’on est absolument sûr que le poulain est prêt à naître.